Cette grande révolution « technologique » va bouleverser radicalement les métiers de l’information qui se sont construits autour de l’imprimé. Nous sommes entrés véritablement dans l’ère des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Les métiers des bibliothèques, de la documentation, de l’édition et même du journalisme vont devoir adapter leurs modes de travail et certaines de leurs fonctions à ces nouvelles valeurs.
Dans ce chapitre nous survolerons cette révolution technologique, qui comme l’imprimerie au 15e siècle, est en train de bouleverser notre mode vie. Nous analyserons les implications aux niveaux socio-économiques et technologiques en mettant un accent en particulier sur les changements qu’elle a entraîné pour le monde des sciences de l’information et des bibliothèques. Cette analyse se fera sur fonds de comparaison entre deux concepts vraisemblablement différents voire antagoniques.
Internet est né en 1969, d'un projet militaire américain Arpanet (Advanced Research Project Agency Network) et présenté par l'armée en 1972. Il devait faire partie de la stratégie de défense américaine au plus fort de la guerre froide contre le bloc soviétique. Le but initial de ce projet était donc d'assurer, en cas de conflit, l'échange de données entre des ordinateurs de toutes sortes, et ce même sur un réseau en partie détruit, les données concernant l'ennemi devant prendre automatiquement le meilleur chemin possible parmi les machines encore valides.
Par la suite, ce projet est devenu scientifique et universitaire. Par le professeur Clever d’abord, qui fût associé au projet militaire et qui pensa à utiliser ses connaissances pour relier de façon économique et informatique plusieurs universités. C'est la naissance du réseau NSF (Fondation nationale pour la science)
Mais l'accès à NSF reste réservée aux campus. Jusqu'au jour où Clever en vient à mettre au point la connexion aux ordinateurs universitaires depuis chez soi via la ligne téléphonique habituelle. Ceci par l'intermédiaire d'un ordinateur et d'un appareil électronique et d’un modem. De nombreux étudiants adoptent ensuite cette solution.
Le professeur Clever fusionnera plus tard Arpanet et d'autres réseaux dans ce qu'on nomme " Internet ". Des entreprises américaines s'en servent dès lors pour correspondre instantanément entre leurs différentes filiales et contribuent à son expansion en permettant à leurs clients des accès au prix d'une communication locale.
Internet se démocratise de plus en plus jusqu'à ce que certaines sociétés décident alors de commercialiser des accès au Web pour les particuliers. Ce sont les fameux Fournisseurs d'Accès à Internet.
Effets socio-économiques
Internet est certes une prouesse technologique sans précédent, mais ce sont ses implications sur le mode de fonctionnement du monde (formation et recherche scientifiques, échanges commerciaux, inter-actions socio-politiques…) qui resteront inéluctablement les plus marquantes de notre ère. On peut affirmer sans trop de risque de se tromper que l’Internet a été un des principaux moteurs de la libéralisation économique mondiale et sera appelé (si ce n’est pas déjà le cas) à jouer un rôle majeur dans la démocratisation de nombreux pays en particulier ceux d’Afrique. Cette dimension est illustrée dans la fig1 ci-dessous extraite d’une étude intéressante sur le sujet. Dans ce document, les auteurs soulignent que le « développement d'Internet fait appel à trois types de moteurs, qui s'entraînent les uns et les autres et produisent une dynamique d'innovation sans précédent : des moteurs d'usage, des moteurs technologiques et des moteurs économiques » et la dimension légale et réglementaire. Tout programme de R&D devraient être évalué, du point de vue de ses objectifs ou de sa pertinence, sous ces aspects indissociables (2)
Figure 1: Moteurs d'Internet (source: Rapport du groupe Internet du Futur. 2000)
- Les moteurs d'usage : messagerie électronique, forums, Web, commerce électronique…
- Les moteurs technologiques : le PC comme terminal universel, l'accroissement des performances des réseaux et des machines, le multimédia (HTML, XML, SGML), le protocole IP…
- Les moteurs économiques : Coût décroissant des équipements, soutien direct du gouvernement américain à la R & D, adoption de standards ouverts, dynamique de création d'entreprises et commerce électronique…
- Le cadre réglementaire : tarif plat dans la boucle locale, exemption de fait de la TVA pour le commerce électronique, régime d'interconnexion de plus en plus favorable
Cette situation a bouleversé considérablement les rapports entre les personnes et les entreprises, a remis en cause les différentes échelles de valeur et a favorisé ou conduit à l’émergence de nouveaux acteurs dans le monde du travail. Le monde des sciences de l’information d’une manière générale, celui de la documentation en particulier n’a pas échappé à ce bouleversement.
Les défis
Le réseau Internet a été en quelques années victime de son propre succès. Il est devenu en effet, en peu de temps un carrefour d’échanges inévitable, emprunté par des personnes du monde entier, dans des secteurs aussi variés que l’analyse financière ou la haute couture. Mais ces inquiétudes, qui portent habituellement sur les temps de chargement prohibitifs et sur les limitations d’accès dus à la surcharge du réseau, ne sont que des «douleurs de croissance», qui se résoudront (3). Face à cette surcharge informationnelle, certains spécialistes parmi lesquels les experts en information documentaire, profession oblige, sont convaincus que l’on ne parviendra à bien l’utiliser que si l’on arrive à structurer, à stocker et à classer l’information qui y circule.
C’est ainsi que de nombreuses organisations ont initié des projets de tailles diverses visant à développer des sites Web spécialisés portant sur les problématiques du développement. Ce sont principalement des répertoires numériques qui identifient les ressources existantes et les réorganisent autour d’une classification thématique grâce à de nouveaux outils d’indexation et de stockage. Des analyses plus ou moins critiques accompagnent souvent ces sites pour guider le visiteur occasionnel.
Nous avons quelques inquiétudes quant aux succès d’initiatives visant à structurer Internet. Nous vous livrons ci-après certaines des multiples raisons qui pourraient être évoquées :
- L'expérience née de l'échec relatif de la révolution bibliographique mondiale des années 1980, a démontré qu’il est extrêmement difficile de réunir l’ensemble de la production documentaire autour d’une base de données mondiale utilisant les mêmes standards. Les personnes et les organisations ont en général des besoins différents, des attentes différentes et des manières de travailler différentes.
- La mondialisation de l’économie s’est aussi traduite par une mondialisation de l’information. Internet comme nous l’avons décrit plus haut n’appartient à aucune organisation ou pays. Ce qui en fait certes un réservoir immense mais également désorganisé voire chaotique de données difficiles à structurer.
- La numérisation comme passage du format imprimé au format électronique n’incarne pas nécessairement le virtuel. L’aurait-elle été, qu’elle n’aurait que peu ou pas de valeur ajoutée au papier. La véritable question est de savoir si les objectifs « anciens » peuvent toujours être maintenus dans ou malgré le réseau Internet. Dans le cas contraire quelles mesures prendre si l’on veut s’adapter aux nouvelles valeurs incarnées par Internet ?[4]
Référence.
[1] La bibliothèque numérique : un oxymore ? URL : http://theses.univ-lyon2.fr/info/theses/nlm-fr.html
[2] Rapport Internet du Futur. 2000. Url : http://www.telecom.gouv.fr/rnrt/idf/idf_synthese.htm
[3] De nombreuses études se sont penchées sur ce sujet. L’objet de ce document n’étant Internet, nous nous sommes limités à en introduire la problématique.
[4] Dans sa conférence la bibliothèque numérique : un oxymore ? Guédon, (1998) semble être partisan d’une préservation des valeurs fondamentales de la bibliothéconomie à travers la traduction des règles à appliquer au Net. Idée séduisante mais comme nous l’avions affirmé plus haut, Internet est moteur de toute une pensée et véhicule des valeurs fortes de non-structuration et de liberté (de mot ?) il est plus utile aux bibliothèques de s’orienter vers d’autres secteurs d’activité que de vouloir s’accrocher à ce rôle de conservation et de gardienne du temple qui de toute façon sera perdu face aux avancées technologiques. Voir paragraphe suivant.
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