Par: Koda Traoré A.
L’augmentation des températures mondiales moyennes observée depuis la moitié du vingtième siècle, phénomène connu sous le nom de réchauffement de la planète, est très probablement due, dans une large mesure, à l’activité humaine, notamment le brûlage de combustibles fossiles et la déforestation, qui ont accru la quantité de gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère [FAO, 2007]. Les pays Africains, les moins pollueurs de la planète, sont ceux qui en subissent pourtant les effets les plus pervers. Selon les estimations, les technologies de l'information et de la communication (TIC) - fabrication, maintenance et utilisation - contribuent pour 2-2,5% au total des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial [UIT, 2008]. En dépit de cette situation, leur rôle pour lever les contraintes d’accès à l’information et au savoir-faire semble être indispensable. Dans ce texte, nous rapportons quelques témoignages illustratifs d'utilisation judicieuse des TIC dans cette lutte.
Les télécommunications : révolution silencieuse mais une arme économique redoutable
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La croissance économique et la protection de l’environnement ne sont pas antinomiques. Au contraire, tout porte à croire que l’utilisation accrue des technologies peu couteuses, pourrait contribuer de façon significative à la réduction de la consommation d’énergie, limiter le recours systématique au transport et à terme, favoriser la réalisation d’économies d’échelle. Quelques exemples: le leader de la téléphonie mobile, Vodafone, aurait réduit de 5000 tonnes par an les émissions de gaz à effet de serre en remplaçant plus de 13,500 vols par des vidéoconférences [ITU, 2008]. Le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA) a réalisé environ 50% d’économie sur ses coûts de communication grâce à l’utilisation des VoIP. Dans les zones rurales ACP, l’expérience a montré que lorsque les technologies sont adaptées, elles sont immédiatement adoptées par les populations. L’exemple le plus illustratif est la révolution silencieuse du mobile qui, après la radio, est en train d’envahir littéralement les couches rurales africaines. Selon certaines prévisions les abonnements mobiles en Afrique de l'Ouest augmenteront de 100 millions d'ici 2011, représentant une croissance de 112% par rapport à la fin 2006. Le taux de pénétration dans cette région devrait augmenter de 18% à 34% dans les 5 prochaines années, une moyenne sensiblement égale au reste du continent (de 21% en 2006 à 34% en 2011) [Informa Telecoms & Media, 2008]. Le succès du mobile s’explique en partie par sa flexibilité et facilité d’accès, la possibilité qu’il offre aux populations rurales de rester en contact avec leurs proches et par la diversité des services offerts comme par exemple les informations de marché. De plus, ce secteur devrait générer plus de 71 milliards de dollars de recettes fiscales aux Etats Africains entre 2000 et 2012. Ce chiffre pourrait être revu à la hausse si ces Etats décidaient de revoir la taxation du secteur des télécoms [GSMA, 2008]. Mais, au delà des chiffres, la prévention par l’information et la formation doivent être en amont de la lutte. <>
Informer et s’informer en utilisant les technologies les plus adaptées Dans ce domaine, les applications Web 2.0 peuvent jouer un rôle inestimable. Grâce par exemple à Google Earth en collaboration avec des instituts britanniques, on peut visualiser les effets du réchauffement climatique sur différentes parties du globe. Ce projet baptisé « Climate in Our World Change » (Le climat de notre planète change) vise à sensibiliser la population sur les différents changements climatiques en montrant ceux-ci de manière très explicite. Les ONG peuvent partager leur travail en créant leurs propres cartes sur Google [GaelC, 2008].
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Toutefois, le web reste encore une technologie élitiste pour beaucoup d’ACP en zones rurales. Les problèmes de connectivité, la vétusté des infrastructures et la rareté de l’énergie sont les causes les plus citées. Néanmoins, il faut aussi tenir compte des difficultés d’accès de ces populations à des technologies conçues au départ pour des sociétés différentes. Majoritairement analphabètes, les populations rurales africaines ont néanmoins une riche tradition orale. Les acteurs de développement doivent adapter les TIC à ces réalités afin de permettre aux ruraux d’accéder aux informations dans les formats les plus adéquats et de partager leurs expériences sans devoir nécessairement rompre avec leur train de vie quotidien. Dans les Caraïbes par exemple, une association jamaïcaine des radioamateurs utilise un système de répéteurs très haute fréquence (VHF). Ce système qui est doté de batteries auto à cycle prolongé permet de palier aux perturbations du réseau électrique traditionnel causé par les ouragans [Burton, 2007]. Au Niger, pour faire face aux caprices du climat, une ONG a installé des systèmes de communication par satellite pour écourter considérablement la transmission des données d’alerte précoce. [Walton, 2007]. Mais le complément naturel de l’information est sans conteste la connaissance qui s’acquiert notamment par la formation. <>
Assurer l’éducation environnementale au travers des centres d’information communautaires Les centres d’information communautaires ou télécentres ruraux peuvent valablement jouer ce rôle. En plus d’être des points d’accès aux TIC, ces centres doivent adapter continuellement les contenus d’information existants (y compris les savoirs locaux) en matériels pédagogiques au service de la production agricole et de la protection de l’environnement. Les exemples font légion : en Afrique de l’Est, l’expérience des Famers Field School (écoles des paysans en champs), qui permet aux populations rurales d’expérimenter les actions de lutte pour la préservation de leurs écosystèmes. Au début du siècle précédent, au Burkina Faso, les Mossis construisaient des terrasses en alignant des pierres (banquettes de niveau) sur les terres qu'ils cultivaient. Les banquettes semi-perméables permettent une infiltration progressive de l'eau et ainsi d'éviter son écoulement trop rapide provoqué par des pluies rares mais fortes. Ceci permet de réduire le risque de mauvaise récolte, ainsi que l'érosion des sols. Grâce au Fond International pour le Développement Agricole (FIDA), plus de 150 villages ont adopté cette technologie, augmentant les récoltes de plus de 40% tout en préservant le sol de l’érosion [Warren; Rajasekaran, 1993].
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En définitive, le rôle des TIC dans la lutte pour la préservation de l’équilibre environnemental n’est sans doute plus discutable. Le vrai défi, réside dans la capacité des acteurs du développement à les intégrer aux dynamiques locales afin que les communautés rurales se les approprient. Pour répondre à ces défis, il est indispensable d’être en permanence à l’écoute de ces communautés afin de bâtir les interventions à partir de leur propre perspective. ------------------
Références
- GaelC.2008 Les Changements Climatiques sous l’œil de Google Earth
Source : http://www.changeursdemonde.com/V2/environnement/192-les-changements-climatiques-sous-l%e2%80%99oeil-de-google-earth [accédé le 04-09-2008]
- Les Colloques internationaux sur les TIC et les changements climatiques (Kyoto, 15-16 avril/Londres, 17-18 juin 2008)
Source: http://www.itu.int/dms_pub/itu-t/oth/06/0F/T060F0060080008PDFE.pdf [accédé le 02-09-2008]
- Role of Space Applications in Disaster Management
Source : http://www.telecentre.org/en/events.detail/101823
- GSM Association (GSMA). Régulation et Fracture numérique. 2006.
Source : http://www.gsmworld.com/regulation [06-09-2008]
- Olivier Chicheportiche. 2007. Mobiles : 50 millions d'abonnés en Afrique de l'Ouest.
Source : http://www.silicon.fr/fr/silicon/news/2007/04/10/mobile-50-millions-d-abonn-s [accédé le 06-09-2008]
- Oisin Walton. 2007. Dakoro appelle
Source : http://ictupdate.cta.int/fr/Dossiers/Dakoro-appelle [accédé le 02-09-2009]
- Gerald Burton. 2007. Ouragans et radioamateurs
Source : http://ictupdate.cta.int/fr/Dossiers/Ouragans-et-radioamateurs [accédé le 02-09-2008]
- Ogunlade Davidson. 2005. Le changement climatique et les stratégies de S&T pour la R&D agricole dans les pays ACP
Source : http://knowledge.cta.int/fr/content/view/full/2121 [accédé le 02-09-2008]
Warren, D. M., Rajasekaran, B. 1993, Putting local knowledge to good use, International Agricultural Development 13 (4): 8-10 in:
Source: http://www.worldbank.org/afr/ik/french/frdbref.htm [accédé le 02-09-2008]