vendredi 26 septembre 2008

Surprising Africa @ Picnic

Par: A. Koda Traoré

Picnic, est un événement qui se tient chaque année dans la vieille et attractive cité d'Amsterdam, haut lieu des philosophes, intellectuels, peintres et autres fantaisistes. Comme dirait mon ami le poète, "des gens qui sont considérés comme fous parce que tout simplement les autres ne le sont pas assez".

PICNIC, c'est tout cela à la fois, un immense réservoir de créativité, de rêves, de fantaisies et ... de naïveté. Cette année, Surprising Africa a fait salle comble. Nous étions tous simplement heureux de découvrir les applications et innovations dans divers domaines du développement. Je vous en ai sélectionné quelques unes au passage, tout en vous invitant à visiter le site de PICNIC pour en savoir d’avantage.

La téléphonie mobile, encore et encore !
C’est sans « surprise » que l’on peut noter tout l’attrait de la téléphonie mobile et son succès manifeste dans de nombreux pays africains. Tenez par exemple, Vodaphone Kenya et « le mobile banking » autrement dit le télépaiement grâce au mobile ; Oneworld ou l'utilisation des TIC pour mieux éduquer les jeunes à la question du SIDA. Dans ce cas on a pu apprécier comment un projet OneWorld au Nigéria a pu optimiser l’utilisation du texto (SMS) connecté à une plateforme web. J'ai même cru reconnaitre des ordinateurs de type OLPC, One Laptop per Child (un portable pour enfant). En tout cas les enfants semblent adorer... C'est fascinant... Je ne peux terminer ce passage sur le mobile sans mentionner le témoignage de Nyurubugara, journaliste rwandais qui nous a montré comment il est possible de faire des reportages vidéo avec des téléphones mobiles (http://voicesofafrica.africanews.com/) et avec quelques exemples bien choisis, comment le mobile a pu changer positivement le mode de vie de paysans africains au Kenya, en Ouganda, au Cameroun . Notons que pour le Cameroun, SAILD une ONG locale et son système ALLO Ingénieur a suscité beaucoup d’intérêt du public. J’ouvre ici une parenthèse pour brièvement expliquer de quoi il s’agit. ALLO Ingénieur fait partie de ce que l’on appelle communément un Service Questions Réponses. Ce service qui a été initié par le CTA au début des années 1990, consistait à répondre à des questions relatives au secteur de développement agricole et rural. Apres une évaluation, ce service a été décentralisé pour appuyer directement des structures d’information dans les pays ACP. C’est ainsi que depuis lors le SAILD, une ONG Camerounaise, en a bénéficié dans le cadre de son système ALLO Ingénieur qui est une ligne verte mise à la disposition des producteurs et acteurs du développement rural pour accéder directement à leurs ressources documentaires et à leurs experts.

Dans la web-industrie, l’inévitable Google, géant de la recherche sur le Web nous a présenté sa plateforme http://www.google.org/ . Google.org investit dans l'éducation, l’appui aux petites et moyennes entreprises, la dotation directe de fonds. Présent en Afrique de l’Est, j’espère que d’autres régions africaines pourraient en profiter. Business et objectifs sociaux ne sont pas si incompatibles diriez-vous. Attendons de voir…
Dans l’après midi au moment où la torpeur commençait à envahir tout doucement les esprits, notre blogueur, Ethan Zuckerman's est venu réchauffer la salle et partager avec nous toute sa passion du blog. A la manière du conteur africain, il est venu nous présenter les expériences des blogueurs du Monde et tout l’intérêt du « blogging ». Il ne s’agit pas « seulement d’informer, il s’agit surtout d’exister, de partager des perspectives ou simplement de témoigner anonymement» a t’il martelé devant une audience séduite. Le pouvoir du blog est extraordinaire a poursuivi notre orateur. « Nous autres internautes, sommes pour la première fois de l'histoire détenteur d'un pouvoir essentiel, celui de l'information ». Même les media traditionnels sont obligés de s'adapter.

Dans le secteur de l’éducation, que dire par exemple de Nairobits (http://www.nairobits.com/), une école du web design de Nairobi ? Cette école qui prend le contre pied des formations classiques, ne demande qu’un minimum de niveau pour accepter les étudiants qui y postulent. Mais à la sortie, la performance est telle que l’école réussit à placer 100% des élèves formés dans les compagnies Web du Kenya.

Il y avait aussi de l’architecture !
N’a ton pas en effet coutume de dire que « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ". L’architecte Burkinabé, nous en fait la démonstration dans un exposé simple empreint d’humanisme et d’amour qu’il éprouve pour son village de Gando au cœur du pays des « Hommes intègres ». A Gando, Francis Kere a réussi avec peu de ressources et la participation communautaire à construire des écoles modernes en utilisant de l’argile collectée localement pour le plus grand bonheur des enfants de la localité. Un exemple à répliquer… Pour en savoir plus : http://fuergando.de/fr/

Enfin, de la poésie pour adoucir nos cœurs et nos esprits !
Nous avions eu loisir d’écouter ou de (re)écouter pour certains, les rythmes de l’Afrique, de l’Afrobeat au rap kenyan, chacun y a trouvé son gout. Mais le clou de la journée est certainement la présentation de Lamis Saidi, poète et informaticienne algérienne qui a tenu en haleine et rempli d’émotion toute la salle pendant une quinzaine de minutes avec un recueil de poème qui a su valoriser tout le charme de la culture orientale et africaine. On ne pouvait rêver mieux comme conclusion. A la question de l’animateur, la poésie peut-elle contribuer au développement de l’Afrique à l’instar des toutes ces technologies qui nous ont été présentées? Madame Saidi a répondu très simplement: « La poésie contribue au rayonnement de l’âme et apporte la joie intérieure ». C’est comme les fleurs a t-elle ajouté, on ne les mange pas mais on en a besoin pour agrémenter notre quotidien. Que dire de plus!

Bref, je pourrais y passer des journées entières et consacrer des dizaines de messages. Le slogan de « Surprising africa » n'est en effet nullement usurpé: « il ya de l’inspiration dans toute chose, si vous ne la trouvez pas, essayez encore» (Paul Smith). Même si certaines présentations ont péché par leur jeunesse (j’évite à dessein le mot immaturité), elles nous montrent combien il est utile de s’engager, de croire en ce que l’on fait et d’innover parce que la réussite est certainement au bout du chemin.

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dimanche 14 septembre 2008

Les TIC et changements climatiques en zones rurales: quelques exemples...

Par: Koda Traoré A.

L’augmentation des températures mondiales moyennes observée depuis la moitié du vingtième siècle, phénomène connu sous le nom de réchauffement de la planète, est très probablement due, dans une large mesure, à l’activité humaine, notamment le brûlage de combustibles fossiles et la déforestation, qui ont accru la quantité de gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère [FAO, 2007]. Les pays Africains, les moins pollueurs de la planète, sont ceux qui en subissent pourtant les effets les plus pervers. Selon les estimations, les technologies de l'information et de la communication (TIC) - fabrication, maintenance et utilisation - contribuent pour 2-2,5% au total des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial [UIT, 2008]. En dépit de cette situation, leur rôle pour lever les contraintes d’accès à l’information et au savoir-faire semble être indispensable. Dans ce texte, nous rapportons quelques témoignages illustratifs d'utilisation judicieuse des TIC dans cette lutte.

Les télécommunications : révolution silencieuse mais une arme économique redoutable

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La croissance économique et la protection de l’environnement ne sont pas antinomiques. Au contraire, tout porte à croire que l’utilisation accrue des technologies peu couteuses, pourrait contribuer de façon significative à la réduction de la consommation d’énergie, limiter le recours systématique au transport et à terme, favoriser la réalisation d’économies d’échelle. Quelques exemples: le leader de la téléphonie mobile, Vodafone, aurait réduit de 5000 tonnes par an les émissions de gaz à effet de serre en remplaçant plus de 13,500 vols par des vidéoconférences [ITU, 2008]. Le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA) a réalisé environ 50% d’économie sur ses coûts de communication grâce à l’utilisation des VoIP. Dans les zones rurales ACP, l’expérience a montré que lorsque les technologies sont adaptées, elles sont immédiatement adoptées par les populations. L’exemple le plus illustratif est la révolution silencieuse du mobile qui, après la radio, est en train d’envahir littéralement les couches rurales africaines. Selon certaines prévisions les abonnements mobiles en Afrique de l'Ouest augmenteront de 100 millions d'ici 2011, représentant une croissance de 112% par rapport à la fin 2006. Le taux de pénétration dans cette région devrait augmenter de 18% à 34% dans les 5 prochaines années, une moyenne sensiblement égale au reste du continent (de 21% en 2006 à 34% en 2011) [Informa Telecoms & Media, 2008]. Le succès du mobile s’explique en partie par sa flexibilité et facilité d’accès, la possibilité qu’il offre aux populations rurales de rester en contact avec leurs proches et par la diversité des services offerts comme par exemple les informations de marché. De plus, ce secteur devrait générer plus de 71 milliards de dollars de recettes fiscales aux Etats Africains entre 2000 et 2012. Ce chiffre pourrait être revu à la hausse si ces Etats décidaient de revoir la taxation du secteur des télécoms [GSMA, 2008]. Mais, au delà des chiffres, la prévention par l’information et la formation doivent être en amont de la lutte. <>

Informer et s’informer en utilisant les technologies les plus adaptées

Dans ce domaine, les applications Web 2.0 peuvent jouer un rôle inestimable. Grâce par exemple à Google Earth en collaboration avec des instituts britanniques, on peut visualiser les effets du réchauffement climatique sur différentes parties du globe. Ce projet baptisé « Climate in Our World Change » (Le climat de notre planète change) vise à sensibiliser la population sur les différents changements climatiques en montrant ceux-ci de manière très explicite. Les ONG peuvent partager leur travail en créant leurs propres cartes sur Google [GaelC, 2008].

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Toutefois, le web reste encore une technologie élitiste pour beaucoup d’ACP en zones rurales. Les problèmes de connectivité, la vétusté des infrastructures et la rareté de l’énergie sont les causes les plus citées. Néanmoins, il faut aussi tenir compte des difficultés d’accès de ces populations à des technologies conçues au départ pour des sociétés différentes. Majoritairement analphabètes, les populations rurales africaines ont néanmoins une riche tradition orale. Les acteurs de développement doivent adapter les TIC à ces réalités afin de permettre aux ruraux d’accéder aux informations dans les formats les plus adéquats et de partager leurs expériences sans devoir nécessairement rompre avec leur train de vie quotidien. Dans les Caraïbes par exemple, une association jamaïcaine des radioamateurs utilise un système de répéteurs très haute fréquence (VHF). Ce système qui est doté de batteries auto à cycle prolongé permet de palier aux perturbations du réseau électrique traditionnel causé par les ouragans [Burton, 2007]. Au Niger, pour faire face aux caprices du climat, une ONG a installé des systèmes de communication par satellite pour écourter considérablement la transmission des données d’alerte précoce. [Walton, 2007]. Mais le complément naturel de l’information est sans conteste la connaissance qui s’acquiert notamment par la formation.
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Assurer l’éducation environnementale au travers des centres d’information communautaires

Les centres d’information communautaires ou télécentres ruraux peuvent valablement jouer ce rôle. En plus d’être des points d’accès aux TIC, ces centres doivent adapter continuellement les contenus d’information existants (y compris les savoirs locaux) en matériels pédagogiques au service de la production agricole et de la protection de l’environnement. Les exemples font légion : en Afrique de l’Est, l’expérience des Famers Field School (écoles des paysans en champs), qui permet aux populations rurales d’expérimenter les actions de lutte pour la préservation de leurs écosystèmes. Au début du siècle précédent, au Burkina Faso, les Mossis construisaient des terrasses en alignant des pierres (banquettes de niveau) sur les terres qu'ils cultivaient. Les banquettes semi-perméables permettent une infiltration progressive de l'eau et ainsi d'éviter son écoulement trop rapide provoqué par des pluies rares mais fortes. Ceci permet de réduire le risque de mauvaise récolte, ainsi que l'érosion des sols. Grâce au Fond International pour le Développement Agricole (FIDA), plus de 150 villages ont adopté cette technologie, augmentant les récoltes de plus de 40% tout en préservant le sol de l’érosion [Warren; Rajasekaran, 1993].

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En définitive, le rôle des TIC dans la lutte pour la préservation de l’équilibre environnemental n’est sans doute plus discutable. Le vrai défi, réside dans la capacité des acteurs du développement à les intégrer aux dynamiques locales afin que les communautés rurales se les approprient. Pour répondre à ces défis, il est indispensable d’être en permanence à l’écoute de ces communautés afin de bâtir les interventions à partir de leur propre perspective.

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Références

  1. GaelC.2008 Les Changements Climatiques sous l’œil de Google Earth

Source : http://www.changeursdemonde.com/V2/environnement/192-les-changements-climatiques-sous-l%e2%80%99oeil-de-google-earth [accédé le 04-09-2008]

  1. Les Colloques internationaux sur les TIC et les changements climatiques (Kyoto, 15-16 avril/Londres, 17-18 juin 2008)

Source: http://www.itu.int/dms_pub/itu-t/oth/06/0F/T060F0060080008PDFE.pdf [accédé le 02-09-2008]

  1. Role of Space Applications in Disaster Management

Source : http://www.telecentre.org/en/events.detail/101823

  1. GSM Association (GSMA). Régulation et Fracture numérique. 2006.

Source : http://www.gsmworld.com/regulation [06-09-2008]

  1. Olivier Chicheportiche. 2007. Mobiles : 50 millions d'abonnés en Afrique de l'Ouest.

Source : http://www.silicon.fr/fr/silicon/news/2007/04/10/mobile-50-millions-d-abonn-s [accédé le 06-09-2008]

  1. Oisin Walton. 2007. Dakoro appelle

Source : http://ictupdate.cta.int/fr/Dossiers/Dakoro-appelle [accédé le 02-09-2009]

  1. Gerald Burton. 2007. Ouragans et radioamateurs

Source : http://ictupdate.cta.int/fr/Dossiers/Ouragans-et-radioamateurs [accédé le 02-09-2008]

  1. Ogunlade Davidson. 2005. Le changement climatique et les stratégies de S&T pour la R&D agricole dans les pays ACP

Source : http://knowledge.cta.int/fr/content/view/full/2121 [accédé le 02-09-2008]

Warren, D. M., Rajasekaran, B. 1993, Putting local knowledge to good use, International Agricultural Development 13 (4): 8-10 in:

Source: http://www.worldbank.org/afr/ik/french/frdbref.htm [accédé le 02-09-2008]